Au Salon du livre de Paris, j'ai trouvé ce petit livre d'humour ou de "philosophie de comptoir" publié chez Doyen-éditeur.
La qualité des dessins a attiré mon regard, puis j'ai découvert les textes qui rappelle l'humour d'Alain Le Saux.
Je présente donc quelques images ainsi que la dédicace à laquelle j'ai eu droit.
mardi 20 mars 2012
lundi 12 mars 2012
Le loup plaidant contre le renard par-devant le singe
Le loup plaidant contre le renard par-devant le singe est une obscure dispute de chiffonniers qui portent leur affaire devant un juge de fortune. Le jugement de ce dernier résout le problème par l'absurde.
J'ai donc placé le décor derrière une usine désaffectée, au milieu d'une décharge. La balance, symbole de la justice est cassée. Les codes sont à l'abandon. Et le juge se prélasse sur un "lit de justice", bancal et recouvert de l'hermine royale. Au sens propre, le lit de justice était, sous l'ancien régime, une séance solennelle du Parlement de Paris où le roi présidait en personne.
Jean de La Fontaine a rajouté cette petite note : "Quelques personnes de bon sens ont cru que l'impossibilité et la contradiction qui est dans le jugement de ce singe était une chose à censurer ; mais je ne m'en suis servi qu'après Phèdre ; et c'est en cela que consiste le bon mot, selon mon avis."
Note rassurante : même au XVII° siècle, apogée de la culture française, certains avaient du mal à comprendre l'humour.
Phèdre est un fabuliste du 1er siècle qui a écrit une centaine de fables, souvent inspirées par celles d'Esope dont celle-ci :
J'ai donc placé le décor derrière une usine désaffectée, au milieu d'une décharge. La balance, symbole de la justice est cassée. Les codes sont à l'abandon. Et le juge se prélasse sur un "lit de justice", bancal et recouvert de l'hermine royale. Au sens propre, le lit de justice était, sous l'ancien régime, une séance solennelle du Parlement de Paris où le roi présidait en personne.
Jean de La Fontaine a rajouté cette petite note : "Quelques personnes de bon sens ont cru que l'impossibilité et la contradiction qui est dans le jugement de ce singe était une chose à censurer ; mais je ne m'en suis servi qu'après Phèdre ; et c'est en cela que consiste le bon mot, selon mon avis."
Note rassurante : même au XVII° siècle, apogée de la culture française, certains avaient du mal à comprendre l'humour.
Phèdre est un fabuliste du 1er siècle qui a écrit une centaine de fables, souvent inspirées par celles d'Esope dont celle-ci :
Livre 1, Fable 10LE LOUP ET LE RENARD JUGÉS PAR LE SINGE | |
1 Quiconque s'est fait connaître par de honteux mensonges 2 perd toute créance lors même qu'il dit la vérité. 3 Ésope le prouve dans cette petite fable. | |
4 Un loup accusait un Renard de l'avoir volé; 5 le Renard soutenait qu'il était étranger à une aussi méchante action ; 6 le Singe alors fut appelé pour juger leur querelle. 7 Lorsque chacun eut plaidé sa cause, 8 on rapporte que le Singe prononça cette sentence : 9 « Toi, tu ne me parais pas avoir perdu ce que tu réclames; 10 toi, je te crois coupable du vol que tu nies si bien. » |
jeudi 8 mars 2012
Le chêne et le roseau
Aux éditions Le Genevrier, paraîtra un album de 23 fables de Jean de La Fontaine, vers le 23 mars 2012.
Voici comment j'ai construit l'image illustrant la fable suivante :
Le chêne et le roseau
L'arrogance du chêne m'évoque celle de Faust qui refuse les limites de la morale et de la vertu chrétienne traditionnelle. Mais le passage suivant du Faust de Goethe m'intrigue car c'est un moment où Faust recule au cours de sa descente aux enfers en compagnie de Méphistophélès :
"MÉPHISTOPHÉLÈS : Pourquoi as tu donc laissé partir la jeune fille, qui chantait si agréablement à la danse ?
FAUST : Ah ! au milieu de ses chants, une souris rouge s’est échappée de sa bouche."
La souris rouge sort de la bouche de la jeune fille diabolique avec laquelle Faust danse. Il recule horrifié. Je me suis imaginée qu'un arbre déraciné par la tempête, emporte, avec ses racines arrachées, tout un monde de vers, blattes, punaises, araignées, insectes dégoûtants qui s'enfuient. S'il pouvait voir sous ses racines ces bêtes grouillantes, le chêne éprouverait le même sentiment que Faust : l'écoeurement.
L'arbre est Faust, la souris s'échappe de ses profondeurs hideuses. Et l'arbre-Faust aperçoit la face monstrueuse de son péché : l'orgueil.
De l'autre côté, l'hypocrisie mielleuse du roseau évoque la "morale des esclaves" dénoncée par Friedrich Nietzsche : la faiblesse, la servilité des plus faibles leur permet de prendre la place des plus forts. Le roseau résiste en pliant la nuque sous la tempête : "je plie, et ne romps pas". Il sait d'avance qu'il va gagner grâce à sa tenacité, sa faiblesse, sa petitesse. Les couleurs inquiétantes du ciel et les nuages qui accourent "avec furie" ne l'inquiètent pas. Il lui suffit de raser la surface de l'eau. Mais il jouit du malheur annoncé de son superbe voisin.
"Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts."
Dans ce combat, mon champion serait le chêne si je devais choisir : sa tête touche au ciel et ses pieds à l'empire des morts. Il est grandiose.
Vais-je choisir ?
"Il n'y a de pire malheur que de se faire un ennemi à la légère ; c'est pourquoi, lorsque deux adversaires s'affrontent, il s'ajoute ceci : celui qui est compatissant remporte certainement la victoire." (Tao Te King, Lao Tseu, traduction Marc Haven)
Voici comment j'ai construit l'image illustrant la fable suivante :
Le chêne et le roseau
L'arrogance du chêne m'évoque celle de Faust qui refuse les limites de la morale et de la vertu chrétienne traditionnelle. Mais le passage suivant du Faust de Goethe m'intrigue car c'est un moment où Faust recule au cours de sa descente aux enfers en compagnie de Méphistophélès :
"MÉPHISTOPHÉLÈS : Pourquoi as tu donc laissé partir la jeune fille, qui chantait si agréablement à la danse ?
FAUST : Ah ! au milieu de ses chants, une souris rouge s’est échappée de sa bouche."
La souris rouge sort de la bouche de la jeune fille diabolique avec laquelle Faust danse. Il recule horrifié. Je me suis imaginée qu'un arbre déraciné par la tempête, emporte, avec ses racines arrachées, tout un monde de vers, blattes, punaises, araignées, insectes dégoûtants qui s'enfuient. S'il pouvait voir sous ses racines ces bêtes grouillantes, le chêne éprouverait le même sentiment que Faust : l'écoeurement.
L'arbre est Faust, la souris s'échappe de ses profondeurs hideuses. Et l'arbre-Faust aperçoit la face monstrueuse de son péché : l'orgueil.
De l'autre côté, l'hypocrisie mielleuse du roseau évoque la "morale des esclaves" dénoncée par Friedrich Nietzsche : la faiblesse, la servilité des plus faibles leur permet de prendre la place des plus forts. Le roseau résiste en pliant la nuque sous la tempête : "je plie, et ne romps pas". Il sait d'avance qu'il va gagner grâce à sa tenacité, sa faiblesse, sa petitesse. Les couleurs inquiétantes du ciel et les nuages qui accourent "avec furie" ne l'inquiètent pas. Il lui suffit de raser la surface de l'eau. Mais il jouit du malheur annoncé de son superbe voisin.
"Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts."
Dans ce combat, mon champion serait le chêne si je devais choisir : sa tête touche au ciel et ses pieds à l'empire des morts. Il est grandiose.
Vais-je choisir ?
"Il n'y a de pire malheur que de se faire un ennemi à la légère ; c'est pourquoi, lorsque deux adversaires s'affrontent, il s'ajoute ceci : celui qui est compatissant remporte certainement la victoire." (Tao Te King, Lao Tseu, traduction Marc Haven)
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