jeudi 8 mars 2012

Le chêne et le roseau

Aux éditions Le Genevrier, paraîtra un album de 23 fables de Jean de La Fontaine, vers le 23 mars 2012.

Voici comment j'ai construit l'image illustrant la fable suivante :

Le chêne et le roseau 
L'arrogance du chêne m'évoque celle de Faust qui refuse les limites de la morale et de la vertu chrétienne traditionnelle. Mais le passage suivant du Faust de Goethe m'intrigue car c'est un moment où Faust recule au cours de sa descente aux enfers en compagnie de Méphistophélès :

"MÉPHISTOPHÉLÈS : Pourquoi as tu donc laissé partir la jeune fille, qui chantait si agréablement à la danse ?
FAUST : Ah ! au milieu de ses chants, une souris rouge s’est échappée de sa bouche."


 La souris rouge sort de la bouche de la jeune fille diabolique avec laquelle Faust danse. Il recule horrifié. Je me suis imaginée qu'un arbre déraciné par la tempête, emporte, avec ses racines arrachées, tout un monde de vers, blattes, punaises, araignées, insectes dégoûtants qui s'enfuient. S'il pouvait voir sous ses racines ces bêtes grouillantes, le chêne éprouverait le même sentiment que Faust : l'écoeurement.
L'arbre est Faust, la souris s'échappe de ses profondeurs hideuses. Et l'arbre-Faust aperçoit la face monstrueuse de son péché : l'orgueil.

De l'autre côté, l'hypocrisie mielleuse du roseau évoque la "morale des esclaves" dénoncée par Friedrich Nietzsche : la faiblesse, la servilité des plus faibles leur permet de prendre la place des plus forts. Le roseau résiste en pliant la nuque sous la tempête : "je plie, et ne romps pas". Il sait d'avance qu'il va gagner grâce à sa tenacité, sa faiblesse, sa petitesse. Les couleurs inquiétantes du ciel et les nuages qui accourent "avec furie" ne l'inquiètent pas. Il lui suffit de raser la surface de l'eau. Mais il jouit du malheur annoncé de son superbe voisin.

"Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts."


 Dans ce combat, mon champion serait le chêne si je devais choisir : sa tête touche au ciel et ses pieds à l'empire des morts. Il est grandiose. 
Vais-je choisir ? 


  "Il n'y a de pire malheur que de se faire un ennemi à la légère ; c'est pourquoi, lorsque deux adversaires s'affrontent, il s'ajoute ceci : celui qui est compatissant remporte certainement la victoire." (Tao Te King, Lao Tseu, traduction Marc Haven)

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