dimanche 15 janvier 2012

Jojo de la jungle

(Thomas Lavachery, L'Ecole des loisirs, mars 2010)
Jojo de la jungle. Vantard et méchant, Jojo répète à chaque page "Je suis un type bien". Alors quoi ! Jojo est-il hypocrite ?
J'ai acheté cet album car il est le seul, à ma connaissance, dans lequel on peut trouver une critique, l'air de rien, de la "bonne morale" de notre époque.
D'abord on rit de cet affreux jojo qui se vante de ce qu'il n'est pas, c'est à dire un "type bien".
Ou bien si justement : on se prend à penser que c'est exactement cela un "type bien".  Et l'auteur nous liste toutes les bonnes actions de Jojo : aider les autres, être généreux de son temps, ne pas enfumer ses voisins, agir pour la planète, respecter les "différences". Jojo a toutes les bonnes idées qu'il faut avoir à notre époque et il se décrit lui-même les pratiquant. Il est parfait, ce Jojo !
Sauf que quand on lui fait du mal, alors là, il n'est pas content du tout. Et pan ! Et pan ! Alors Jojo ne serait pas un "type bien" ? Si. Et c'est là que se situe sa souveraine hypocrisie. Je vous laisse la découvrir à la dernière double page. Un vrai petit "saint" !
Oui, il est bien le portrait exact de l'hypocrite de notre époque : le "type bien".
On reprend le livre et dans chaque image, on cherche la pointe, le trait... on découvre, on relit les mots un à un et on les relie, on interprète...
Exemple :
"Je suis un type bien.
Chaque matin, je verse
un pot de terre à Trii,
l'arbre sans racines.


"Trii", c'est l'arbre en anglais : "Tree". C'est aussi le fameux tri de nos déchets dans les poubelles jaunes, bleues, vertes... Jojo s'applique donc à faire le tri selon les injonctions reçues. Pour cela, il verse un pot de terre dans la bouche grande ouverte de l'arbre... sans racines. C'est le "tri" obsessionnel au point de devenir fou. L'arbre n'a plus besoin de ses racines pour se nourrir : Jojo est là pour lui verser sa dose chaque matin. L'arbre est une poubelle à qui on fait ingurgiter ce qui lui est nécessaire pour vivre.
Quel est l'avantage d'un arbre sans racines pour Jojo ? C'est que l'arbre est entièrement dépendant de lui pour se nourrir : on peut le déplacer n'importe où, rien ne le retient. Surtout pas ses racines, c'est-à-dire son passé, son histoire, sa culture. Il devient très docile, dépendant, malléable, corvéable.
Cynique, Jojo ?
L'exercice peut se faire pour chaque double page : regarder attentivement l'image ; se laisser aller à se dire tout ce à quoi elle fait penser globalement et dans le détail  (par exemple, dans la première double, on voit un serpent autour d'un arbre : à quoi cela fait-il penser ? au serpent de la Genèse, le tentateur d'Adam et Ève) ; puis lire le texte, et faire le même exercice pour les mots ; puis lever la tête du livre et se poser la question : "Qu'est-ce qu'il est en train de me dire, là, sur cette page, Thomas Lavachery ?".
Machiavélique, cet auteur !
À vous de jouer !
Un peu d'histoire politique pour réflechir sur cet album : écouter ce texte d'Alexis de Tocqueville extrait de son livre "De la démocratie en Amérique" (video empruntée à l'internaute jaar2001) écrit au début du XIX° siècle. Fasciné par la démocratie américaine, l'auteur en montre aussi les limites ou les dangers.

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