vendredi 26 octobre 2012

dimanche 17 juin 2012

La neutralité d'internet

Mr Bayart nous explique "la neutralité du net" : à écouter (en plusieurs fois) pour mieux comprendre comment lutter contre la censure, la police de la pensée et autres risques pour notre liberté qui se profilent si nous n'y prenons pas garde.


dimanche 3 juin 2012

Jacques Le Carpentier joue Philippe Pétain

Alain Houpillart, l'auteur de la pièce de théâtre "De Gaulle, Pétain, la confrontation" qui se joue aux Mathurins à Paris en ce mois de juin 2012, m'avait envoyé le texte de la pièce il y a plus d'un an. L'affrontement qu'il organisait entre les deux ennemis se terminait bien sûr par la déconfiture du Maréchal. J'avais eu le sentiment que la défense de ce dernier était faible, malgré les efforts de l'auteur pour que le duel soit à armes égales, du moins au début.
Lors de la première, il y a quelques jours, nous, les spectateurs, avons vu l'acteur Jacques Le Carpentier endosser la défroque, la dépouille de Philippe Pétain et l'incarner dans une éblouissante interprétation : déchiré, ironique, mordant, lucide, souffrant... "De Gaulle" faisait bien pâle figure à côté de lui : il récitait sa leçon, celle que nous ont apprise nos professeurs.
Mon voisin dans la salle, "auteur et chroniqueur" - comme lui-même s'est présenté - à qui je demandai son opinion sur la pièce tout en lui faisant part de mon admiration pour le jeu de l'acteur, m'a répondu d'un air réprobateur : "ça a basculé ! ça a basculé !".
Qu'est-ce qui avait basculé ? Je mis quelques secondes à comprendre. Jacques Le Carpentier avait osé bousculer un tabou, peut-être même avait-il été blasphématoire : il avait laissé entendre que Philippe Pétain, l'honni, avait eu aussi une sensibilité blessée, un cœur déchiré probablement et plein d'une rage impuissante, et cela nous avait émus.
Quel crime !
Quel acteur !

vendredi 27 avril 2012

La beauté de la mer

Mon album "à quai" est inspiré par l'amour que je porte à l'Atlantique et aux ports.
Voici un moment magnifique (video tirée du site Theatrum Belli) :



Frégate Latouche-Tréville en pleine tempête par Marine-Nationale

mardi 10 avril 2012

La lice et sa compagne



Image tirée des Fables de La Fontaine dont j'ai fait les illustrations (vingt trois fables). Celle-ci évoque les pièges de la "charité", la charité que l'on fait et celle qu'on reçoit. 
 La chienne de la fable prête sa hutte à sa compagne qui s'apprête à mettre au monde ses chiots. Mais une fois que la mise bas a eut lieu, sa compagne refuse de lui rendre son habitation. 
Comme dans l'histoire d'Abel et Caïn, de la Genèse, c'est le meilleur qui perd. Il perd car il juge mal des choses. Du moins c'est mon hypothèse.
Tout le malheur vient de l'histoire d'Adam et d'Ève. C'est pour cela que j'ai situé le décor de la chienne -que j'identifie à Abel - dans un jardin où trônent les deux arbres : l'arbre de vie (le tout blanc) et l'arbre de la connaissance du bien et du mal (celui qui porte les pommes et le serpent).
Reprenons le scénario de ce texte de la Genèse  (La Bible, éditions Robert Laffont, coll Bouquins, traduction de Lemaître de Sacy). Je vous propose une petite promenade au Paradis terrestre.
Plan 1
Génèse II, 9 : "...L'arbre de vie au milieu du Paradis (arbre 1)
Avec l'arbre de la science du bien et du mal"(arbre 2)
=> Il y a donc bien deux arbres 
Plan 2
Génèse II, 15 : "Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le mit dans le paradis de délices afin qu'il le cultivât et qu'il le gardât."
Génèse II, 16 : "Mangez de tous les fruits des arbres du Paradis ;"
=>  Dieu installe donc Adam dans le Paradis comme cultivateur et gardien
Plan3
Genèse II, 17 : "Mais ne mangez point du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal (arbre 2)
car au même temps que vous en mangerez, vous mourrez très certainement"
=> Dieu fait une restriction à propos de l'"arbre n° 2"
Plan 4
Génèse III, 1 : "Le serpent ... dit à la femme : pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du Paradis ? ("tous" comprend l'arbre 1, l'arbre 2 et les autres)
=> Le serpent entreprend de poser à la femme une question qui contient en elle-même sa frustration, à cause du mot "tous". Il est insidieux.
Plan 5
Génèse III, 2 : (la femme) Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le Paradis ;
Génèse III, 3 : Mais pour ce qui est du fruit de l'arbre qui est au milieu du Paradis (arbre 1),
Dieu nous a commandé de n'en point manger, et de n'y point toucher, de peur que nous ne fussions en danger de mourir (arbre 2)
=> Ève veut rétablir la vérité ; elle a donc bien entendu le "tous" du serpent. Mais peut-être, atteinte malgré elle par l'insinuation du serpent que Dieu aurait interdit "tous" les fruits, elle fait une confusion : elle dit que c'est l'arbre du "milieu" qui est celui de la science du bien et du mal (arbre 2). Or si on relit Génèse II, 9, c'est l'arbre de vie qui est au milieu (arbre 1). Elle se trompe d'arbre.
Plan 6
Génèse III, 4 : (Le serpent) "Assurément vous ne mourrez point.
Génèse III, 5 : "Mais c'est que Dieu sait qu'aussitôt que vous aurez mangé de ce fruit vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, en connaissant le bien et le mal".
=> À aucun moment le serpent ne ment : Adam et Ève ne mourront pas s'il mange de l'arbre du milieu du jardin (arbre 1); et en effet ils connaîtront le bien et le mal s'ils mangent du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (arbre 2) ! Le serpent profite de la confusion que fait Ève entre les deux arbres. Il répond  à deux questions à la fois. Il opère un glissement : il répond dans la même phrase au sujet de l'arbre 1 et au sujet de l'arbre 2. Il aggrave la confusion d'Ève entre les deux arbres : il ne la détrompe pas. Au contraire, il la conforte dans son erreur. Mais pas un instant il ne ment effrontément, puisque il joue sur l'imprécision. Et partant, il la trompe sur le domaine d'efficacité des deux arbres. Quand on dit que le diable se cache dans les détails !
Il est vrai aussi que Dieu n'a pas parlé directement à Ève : elle connaît cette information par Adam, de seconde main donc. Une partie de l'information s'est perdue en route peut-être.
Plan 7
=> Adam et Ève mangent le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (arbre 2). Et Dieu s'en aperçoit.
Plan 8
Génèse III, 22 :"Et il dit (Dieu) : Voilà Adam devenu comme l'un de nous (sic ?), sachant le bien et le mal. Empêchons donc maintenant qu'il ne porte sa main à l'arbre de vie (arbre 1), qu'il ne prenne aussi de son fruit, et qu'en mangeant il ne vive éternellement".
=> Si Adam et Ève mangent le fruit de l'arbre de vie, celui-ci sera donc un antidote au fruit de la connaissance du bien et du mal : en effet ce dernier devait les faire mourir. Mais, dit Dieu, s'il mange du fruit de l'arbre de vie, ils seront éternels en plus d'avoir la connaissance du bien et du mal. le fruit de l'arbre de vie est un contre-poison  au fruit mortel de la science du bien et du mal.
Il semble que Dieu ne puisse se permettre de laisser faire cela : "il est devenu comme l'un de nous" dit-il (génèse III, 22). Adam doit rester mortel sinon il sera comme "nous" dit Dieu - y aurait-il plusieurs dieux ? - : il a la science du bien et du mal, donc il ne doit pas devenir éternel, selon Dieu. Sinon il deviendrait, lui-aussi, un dieu : est-ce là la crainte de Dieu ?
Plan 9
Génèse III, 23 : "Le seigneur Dieu le fit sortir du jardin délicieux pour travailler à la culture de la terre dont il avait été tiré
=> Voilà ! Adam et Ève sont chassés du Paradis terrestre.
Plan 10
Génèse III, 24 :"Et l'en ayant chassé, il mit des Chérubins devant le jardin des délices qui faisaient étinceler une épée de feu, pour garder le chemin qui conduisait à l'arbre de vie"

Connaissant le bien et connaissant le mal, Adam et Ève en ont une expérience si intime qu'ils ne sont plus en mesure de les distinguer. Leurs enfants non plus. Ils ne peuvent plus en avoir une vision claire. Leur jugement est maintenant biaisé, car subjectif, affaibli par la compréhension égale du bien et du mal. Comme cette petite chienne de la page de gauche qui n'est pas capable de reconnaître le mal, la méchanceté, les mauvaises intentions de sa compagne. Elle croît qu'être bonne, charitable suffit.
Ainsi, être bienveillant, bon et naïf comme Abel, personnifiée par la petite chienne mène à l'échec et à la mort. 
La vertu est trouble, la charité ambiguë sinon perverse.



La question que je me pose, c'est pourquoi Dieu lie-t-il "connaissance du Bien et du Mal" et "mort" ? 
Je ne vois qu'une réponse : c'est parce qu'elles doivent être effectivement liées. Le Bien, le Mal et la Mort vont donc ensemble. 


La connaissance du bien et du mal amène la mort et corrompt le jugement.

L'arbre de vie ne donne que la vie. Mais il permet de contrer la mort apportée par le fruit de la connaissance du bien et du mal.

J'ai l'impression que dans cette histoire la vie s'oppose aux notions de bien et de mal auxquelles il faudrait renoncer.


Malheureusement le chemin de l'arbre de vie est bloqué par l'épée de feu des deux Chérubins !



 





mardi 20 mars 2012

Le coup de pied de Diogène. Humour

Au Salon du livre de Paris, j'ai trouvé ce petit livre d'humour ou de "philosophie de comptoir" publié chez Doyen-éditeur.
La qualité des dessins a attiré mon regard, puis j'ai découvert les textes qui rappelle l'humour d'Alain Le Saux.
Je présente donc quelques images ainsi que la dédicace à laquelle j'ai eu droit.




lundi 12 mars 2012

Le loup plaidant contre le renard par-devant le singe

Le loup plaidant contre le renard par-devant le singe est une obscure dispute de chiffonniers qui portent leur affaire devant un juge de fortune. Le jugement de ce dernier résout le problème par l'absurde.
J'ai donc placé le décor derrière une usine désaffectée, au milieu d'une décharge. La balance, symbole de la justice est cassée. Les codes sont à l'abandon. Et le juge se prélasse sur un "lit de justice", bancal et recouvert de l'hermine royale. Au sens propre, le lit de justice était, sous l'ancien régime, une séance solennelle du Parlement de Paris où le roi présidait en personne.

Jean de La Fontaine a rajouté cette petite note : "Quelques personnes de bon sens ont cru que l'impossibilité et la contradiction qui est dans le jugement de ce singe était une chose à censurer ; mais je  ne m'en suis servi qu'après Phèdre ; et c'est en cela que consiste le bon mot, selon mon avis."
Note rassurante : même au XVII° siècle, apogée de la culture française, certains avaient du mal à comprendre l'humour.

Phèdre est un fabuliste du 1er siècle qui a écrit une centaine de fables, souvent inspirées par celles d'Esope dont celle-ci  :

Livre 1, Fable 10LE LOUP ET LE RENARD JUGÉS PAR LE SINGE

Quiconque s'est fait connaître par de honteux mensonges perd toute créance lors même qu'il dit la vérité. Ésope le prouve dans cette petite fable.
Un loup accusait un Renard de l'avoir volé; le Renard soutenait qu'il était étranger à une aussi méchante action ; le Singe alors fut appelé pour juger leur querelle. Lorsque chacun eut plaidé sa cause, on rapporte que le Singe prononça cette sentence : « Toi, tu ne me parais pas avoir perdu ce que tu réclames; 10 toi, je te crois coupable du vol que tu nies si bien. »



jeudi 8 mars 2012

Le chêne et le roseau

Aux éditions Le Genevrier, paraîtra un album de 23 fables de Jean de La Fontaine, vers le 23 mars 2012.

Voici comment j'ai construit l'image illustrant la fable suivante :

Le chêne et le roseau 
L'arrogance du chêne m'évoque celle de Faust qui refuse les limites de la morale et de la vertu chrétienne traditionnelle. Mais le passage suivant du Faust de Goethe m'intrigue car c'est un moment où Faust recule au cours de sa descente aux enfers en compagnie de Méphistophélès :

"MÉPHISTOPHÉLÈS : Pourquoi as tu donc laissé partir la jeune fille, qui chantait si agréablement à la danse ?
FAUST : Ah ! au milieu de ses chants, une souris rouge s’est échappée de sa bouche."


 La souris rouge sort de la bouche de la jeune fille diabolique avec laquelle Faust danse. Il recule horrifié. Je me suis imaginée qu'un arbre déraciné par la tempête, emporte, avec ses racines arrachées, tout un monde de vers, blattes, punaises, araignées, insectes dégoûtants qui s'enfuient. S'il pouvait voir sous ses racines ces bêtes grouillantes, le chêne éprouverait le même sentiment que Faust : l'écoeurement.
L'arbre est Faust, la souris s'échappe de ses profondeurs hideuses. Et l'arbre-Faust aperçoit la face monstrueuse de son péché : l'orgueil.

De l'autre côté, l'hypocrisie mielleuse du roseau évoque la "morale des esclaves" dénoncée par Friedrich Nietzsche : la faiblesse, la servilité des plus faibles leur permet de prendre la place des plus forts. Le roseau résiste en pliant la nuque sous la tempête : "je plie, et ne romps pas". Il sait d'avance qu'il va gagner grâce à sa tenacité, sa faiblesse, sa petitesse. Les couleurs inquiétantes du ciel et les nuages qui accourent "avec furie" ne l'inquiètent pas. Il lui suffit de raser la surface de l'eau. Mais il jouit du malheur annoncé de son superbe voisin.

"Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts."


 Dans ce combat, mon champion serait le chêne si je devais choisir : sa tête touche au ciel et ses pieds à l'empire des morts. Il est grandiose. 
Vais-je choisir ? 


  "Il n'y a de pire malheur que de se faire un ennemi à la légère ; c'est pourquoi, lorsque deux adversaires s'affrontent, il s'ajoute ceci : celui qui est compatissant remporte certainement la victoire." (Tao Te King, Lao Tseu, traduction Marc Haven)

lundi 20 février 2012

Les Fables de La Fontaine

À la mi-mars, va sortir aux Éditions Le Genevrier un grand album des Fables de Jean de La Fontaine dont j'ai fait les illustrations. Quand Paul Fustier m'a proposé ce projet, j'ai dit oui. Puis rentrée chez moi, j'ai eu de grandes inquiétudes : ces fables n'ont-elles pas été illustrées cent fois ? Faire un corbeau et un renard autour d'un fromage ne me disait rien du tout... J'aurais dû refuser, pensais-je. 
La lecture de toutes les Fables, lentement, l'une après l'autre, m'a fait changer d'avis. Je raconterai plus tard comment j'ai construit ces images. Pour le moment, je reproduis, avec l'autorisation de son auteur, une interprétation du Corbeau et du Renard, au style vigoureux :


Tête-laide et Pilgou

Serf Tête-laide, assis sous des racines,
Lâchait de ses doigts un vin blanc.
Valet Pilgou, qu'un silence bassine,
Hurla tout net un binz troublant :
"Ho ! cass'-toi,  pauv'con de Têt'-laide.
Que tu es disgracieux ! Que tu empestes raide !
Au hasard, si ton rouge pif
N'est pas plus ému par tes tifs,
Tu es le dérisoire invité des parcelles."
Par ces maux Tête-laide en prend plein la chetron ;
Et cachant une âpre crécelle,
Il ferme son clapet, rattrape le litron.
Pilgou louche dessus; et crie : "Gros nain rustique,
Tu savais que le critique
Meurt affranchi des mous du pavillon :
Ce jeu ne vaudrait pas même un broc, c'est brouillon."
Tête-laide, altier et sans laisse,
Prédit, dès cet instant, qu'il en boirait des caisses.

Patrick Biau, L'Espoir est un mensonge indispensable à l'homme, textes rimés et autres...Juillet 2011

mercredi 25 janvier 2012

Le chemin

(par Fernando Vilela, Editions Autrement, collection histoires sans paroles, septembre 2007)


Le chemin est un album sans paroles.
Le récit est simplissime et reprend pour la enième fois le vieux thème de la chevalerie et de la délivrance de la princesse par un chevalier plein d'ardeur.
Les personnages et les décors sont construits à partir de "tampons" qui accolés et superposés les uns aux autres finissent par représenter le cheval, le chevalier, la poussière, la ville, les dragons.... Quelques traits indiquent la route, donnent la direction, délimitent la forme.
Les pages sont noires et grises sur un fond beige ; des taches de couleurs donnent une atmosphère, ponctuent un décor, expliquent l'action... verte, blanche, rouge.
Des cadrages enflammés entraînent le lecteur dans une course folle où le héros combat des dragons furieux qu'il enfourche ensuite pour combattre d'autres monstres encore plus fous.


Tout est parfaitement lisible d'emblée sans que rien ne soit réaliste. Les images parlent d'un déchaînement de violence que vit avec bonheur et rage le héros.


On rit aussi du ridicule de ce chevalier de bric et de broc qui mène des actions impossibles et entreprend des exploits imaginaires. Un rien godiche, la princesse, posée sur sa tour, est l'objet de ces combats titanesques. Elle agite les bras, impuissante et passive, en somme, parfaite dans son rôle.
Cet album est un bon exemple de la force que le cadrage peut donner aux images. Voici un exercice qui permet de s'en rendre compte.
- Prendre des calques de format A3
- Poser un calque sur une double page. Centrer l'album sous le calque.
- Prendre un feutre épais et décalquer les contours et quelques détails comme les yeux, une lance, un trait.
- Mettre le calque à plat sur un fond blanc et terminer le dessin pour remplir le format A3 entièrement. Il faudra tourner les pages pour savoir comment terminer un animal, imaginer les circonvolutions de l'autre, construire l'architecture de la tour.
- Prendre maintenant une feuille A3, évider au milieu le format d'une double page de l'album et promener le cadre ainsi construit sur le dessin réalisé sur le calque.
- Pour chaque page re-dessinée sur le calque, choisir son propre cadrage avec soin de manière à raconter l'histoire du chevalier de la manière la plus efficace possible. Rappelez-vous qu'il n'y a pas de texte pour aider votre lecteur.

vendredi 20 janvier 2012

Sommes-nous d'accord pour offrir "du temps de cerveau disponible" à TF1 ?

Petite révolution, en 2004, dans le monde des médias : on apprenait que l'objectif de la télé était de vendre du "temps de cerveau disponible" pour la publicité ! Revenons sur cette affaire qui nous concerne directement, nous et nos cerveaux.

Les faits
Le Pdg de TF1, en 2004, Patrick Le Lay déclarait dans un livre Les dirigeants face au changement (éditions du Huitième jour) :"Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible"
Reprenons la phrase entière :
"Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible". (source : Le site Acrimed).


Première question : Qui a publié ce livre que cite Acrimed "Les dirigeants face au changement" ?


La réponse que j'ai trouvée après une recherche sur internet est celle-ci :
1) c'est l'entreprise EIM qui est à l'origine de ce livre. Le cœur de métier de EIM est "l'accélération du changement" comme elle le dit elle-même sur son site.
2) Patrick Le Lay est bien un des dirigeants cités dans le livre.
3) Je n'ai pas lu le livre et n'ai pas pu vérifier que ce sont bien les propos qu'il a tenu.

Voici ce que dit EIM d'elle-même :

"Forte de son expertise et de sa dimension mondiale, l’équipe des Conseillers EIM représente une ressource exceptionnelle d’expériences cumulées en matière de transition et d’accélération du changement."

Qu'est-ce que ces personnes veulent dire ? De quels changements mondiaux s'agit-il ? Et pourquoi faut-il les accélérer ?


Deuxième question : Patrick Le Lay est-il d'accord pour reconnaître les propos qu'on lui attribue ?


Pour cela, on peut suivre ce lien d'Acrimed qui reprend une interview de Patrick Le Lay dans le journal Télérama. 
Mais aussi, écouter les explications qui semblent venir de Patrick Le Lay ici 
Pourquoi Patrick Le Lay ne fait-il pas référence au livre pour lequel il a été interviewé ? Sur sa chaîne YouTube (si c'est bien lui) , il a posté 5 vidéos dans lesquelles il se défend d'être Français, mais plutôt du peuple des Bretons, opprimé et massacré par la République. 





Troisième question après avoir écouter les vidéos : Patrick Le Lay est-il en train de nous expliquer qu'il vend, sans vergogne et sans états d'âme, du temps de cerveau disponible de Français, ces étrangers, parce qu'il serait Breton et que les Bretons auraient été colonisés - il cite une déclaration de 1905 du Petit Père Combes -  ? Il "colonise" ainsi les cerveaux français.


Ma conclusion : Il semble que Patrick Le Lay se soit fait piéger - par qui ? - et qu'il cherche à se dédouaner de ses propos, rapportés par des tiers, en se portant victime : "la Bretagne a perdu la guerre en 1492 pour appartenir à la France et la Troisième République a voulu la coloniser" donne-t-il entre autres comme arguments.  
- Son objectif est de se débarrasser de sa culpabilité qui est celle-ci : laver le cerveau des téléspectateurs de TF1 au profit de multinationales qui ont des produits à vendre. 
- Et sa technique est vieille comme le monde : attaquer, accuser les autres pour que ce soit "eux" qui soient les coupables. "Eux",  c'est à dire les "Français".
Il est donc Français quand il s'agit d'être le patron très bien payé de TF1, mais toutes les erreurs qu'il fait en tant que patron, il les attribue au fait qu'il est une victime bretonne.
Est-il honnête de se servir du victimat pour justifier ses mauvaises actions ? Patrick Le Lay est-il, personnellement, une victime ? 
On peut le remercier d'une chose : nous avoir expliquer très clairement à quoi nous servons pour les télévisions. On ne peut plus faire semblant de l'ignorer.


Petite excursion dans l'histoire et la géographie de la France :
Qui est cette France qui a colonisé les régions dont elle est formée ?  Comment distinguer entre colons et colonisés au sein de l'hexagone ? 
Un petit rappel de la longue histoire de la construction de la France en cartes.



dimanche 15 janvier 2012

Jojo de la jungle

(Thomas Lavachery, L'Ecole des loisirs, mars 2010)
Jojo de la jungle. Vantard et méchant, Jojo répète à chaque page "Je suis un type bien". Alors quoi ! Jojo est-il hypocrite ?
J'ai acheté cet album car il est le seul, à ma connaissance, dans lequel on peut trouver une critique, l'air de rien, de la "bonne morale" de notre époque.
D'abord on rit de cet affreux jojo qui se vante de ce qu'il n'est pas, c'est à dire un "type bien".
Ou bien si justement : on se prend à penser que c'est exactement cela un "type bien".  Et l'auteur nous liste toutes les bonnes actions de Jojo : aider les autres, être généreux de son temps, ne pas enfumer ses voisins, agir pour la planète, respecter les "différences". Jojo a toutes les bonnes idées qu'il faut avoir à notre époque et il se décrit lui-même les pratiquant. Il est parfait, ce Jojo !
Sauf que quand on lui fait du mal, alors là, il n'est pas content du tout. Et pan ! Et pan ! Alors Jojo ne serait pas un "type bien" ? Si. Et c'est là que se situe sa souveraine hypocrisie. Je vous laisse la découvrir à la dernière double page. Un vrai petit "saint" !
Oui, il est bien le portrait exact de l'hypocrite de notre époque : le "type bien".
On reprend le livre et dans chaque image, on cherche la pointe, le trait... on découvre, on relit les mots un à un et on les relie, on interprète...
Exemple :
"Je suis un type bien.
Chaque matin, je verse
un pot de terre à Trii,
l'arbre sans racines.


"Trii", c'est l'arbre en anglais : "Tree". C'est aussi le fameux tri de nos déchets dans les poubelles jaunes, bleues, vertes... Jojo s'applique donc à faire le tri selon les injonctions reçues. Pour cela, il verse un pot de terre dans la bouche grande ouverte de l'arbre... sans racines. C'est le "tri" obsessionnel au point de devenir fou. L'arbre n'a plus besoin de ses racines pour se nourrir : Jojo est là pour lui verser sa dose chaque matin. L'arbre est une poubelle à qui on fait ingurgiter ce qui lui est nécessaire pour vivre.
Quel est l'avantage d'un arbre sans racines pour Jojo ? C'est que l'arbre est entièrement dépendant de lui pour se nourrir : on peut le déplacer n'importe où, rien ne le retient. Surtout pas ses racines, c'est-à-dire son passé, son histoire, sa culture. Il devient très docile, dépendant, malléable, corvéable.
Cynique, Jojo ?
L'exercice peut se faire pour chaque double page : regarder attentivement l'image ; se laisser aller à se dire tout ce à quoi elle fait penser globalement et dans le détail  (par exemple, dans la première double, on voit un serpent autour d'un arbre : à quoi cela fait-il penser ? au serpent de la Genèse, le tentateur d'Adam et Ève) ; puis lire le texte, et faire le même exercice pour les mots ; puis lever la tête du livre et se poser la question : "Qu'est-ce qu'il est en train de me dire, là, sur cette page, Thomas Lavachery ?".
Machiavélique, cet auteur !
À vous de jouer !
Un peu d'histoire politique pour réflechir sur cet album : écouter ce texte d'Alexis de Tocqueville extrait de son livre "De la démocratie en Amérique" (video empruntée à l'internaute jaar2001) écrit au début du XIX° siècle. Fasciné par la démocratie américaine, l'auteur en montre aussi les limites ou les dangers.

mardi 10 janvier 2012

Les îles du temps. La forêt au temps des dinosaures

(Marta Mazzanti, Giovinna Bosi, Riccardo Melo, Éditions Le Pommier)


Les îles du temps est un documentaire sur la flore préhistorique. Ce livre débute par le récit des aventures imaginaires d'un scientifique et de deux jeunes gens. Ils sont "emportés" dans un monde géographique préhistorique. Récit léger qui accompagne de superbes vues de paysages.
Suit une série de planches descriptives de la flore (un peu de faune aussi) reconstituée par des botanistes, puis une autre série montrant les plantes actuelles survivantes de cette époque.
L'objectif est d'initier le public des enfants (mais aussi des adultes) à une science peu connue, la paléobotanique. Comme le précisent les auteurs "Recomposer un organisme au complet avec tous ses éléments est l'un des objectifs les plus importants de la science qui étudie les fossiles, la paléobotanique". C'est ce qu'ils font pour nous, lecteurs.
Les illustrations de l'architecte "environnemental" Ricardo Merlo sont un mariage très réussi entre la précision scientifique, la beauté dans l'expression des paysages et la légèreté et l'humour d'un illustrateur pour la jeunesse.
Un tableau chronologique de l'évolution des plantes parallèle à celle des animaux complète ce livre qui a toute sa place dans une bibliothèque d'enfant. Contrairement à la plupart des documentaires, il ne peut pas devenir entièrement obsolète grâce aux planches botaniques reproduites. De plus les auteurs expriment sans fard l'incertitude qui existe dans leur travail scientifique.
Pour découvrir les botanistes en action, voir les comptes-rendus photographiques de la Société botanique de France

jeudi 5 janvier 2012

Les songes de l'ours

(photos et texte de François Delebecque, Editions Thierry Magnier, 2005)

Les photos sont celles d'ours en peluche appartenant à des collectionneurs qui désiraient éditer un livre sur ce sujet. François Delebecque avait été chargé de faire les photos. Mais les collectionneurs n'ont pas trouvé d'éditeur.
Le photographe en a donc fait un récit en images, car, comme il me l'a dit, tandis qu'il prenait les photos, il se racontait des histoires.
Puis il a écrit le texte. Faisons comme lui, l'image d'abord, le texte ensuite.
Je vous propose un exercice (matériel : papier blanc, papier calque, un crayon à papier) :
- Ne pas ouvrir le livre.
- Découper 20 carrés de 20 cm sur 20 cm dans du papier blanc ordinaire. Et les glisser entre les pages.
- Ouvrir page après page en ne regardant que les photos, le papier blanc recouvrant la page de texte.
- Laisser d'abord son coeur s'imprégner de la beauté de l'image tout en regardant les éléments qui la composent. Pour la première page, par exemple, regarder la lumière sur le nez et l'épaule de l'ours qui fait contraste avec la silhouette de son corps dans la pénombre. S'apercevoir qu'une traînée de lumière balaie la prairie, les brins d'herbes jusqu'à lui. Il regarde le soleil, à l'aube peut-être, comme s'il venait juste à la vie. Au loin, dans le tiers supérieur de la page, une rangée d'arbres flous forment une barrière qui cache un monde incertain : un château ? Une ville ? Une église ?

- Sur un papier calque, tracer au crayon les grandes lignes de la construction de cette image : la silhouette de l'ours, la ligne qui délimite la prairie et la rangée d'arbres, deux traits pour la lumière, les barres verticales des arbres. Faire l'exercice pour toutes les images.
- Décrire pour chaque image, par écrit ou par oral (en s'enregistrant par exemple), ce qu'on "croit" qui se passe. Exemple : "on dirait qu'il a vu quelque chose", ou "il a perdu son chemin", ou encore la phrase poétique de votre invention, etc...
- Fermer le livre.
- Enfin, après avoir mis de côté toutes les pages blanches et le travail sur le calque, ouvrir de nouveau le livre en lisant le texte de l'auteur tout en regardant les images que vous connaissez bien maintenant. Le sens de ces images va traverser votre corps, votre coeur, votre intelligence comme une onde.

dimanche 1 janvier 2012

À minuit



{La Joie de lire, février 2011, sur un poème de Eduard Mörike (1804-1875), illustré par Hannes Binder}
Sonate No.14 cis-moll op. 27 No.2 'Mondschein' - 1. Adagio sostenuto by Emil Gilels on Grooveshark

À minuit Voilà un très bel album à offrir à un enfant même tout petit, même s'il n'a que deux, trois ou quatre ans.
La technique est celle de la carte à gratter (une forme de gravure sur carton). L'illustrateur a construit page après page des paysages dans le style des gravures anciennes ressemblant à celles qui illustraient les livres d'aventures fantastiques de Jules Verne, en noir et blanc.
Le fantastique y pénètre doucement par instant. La première image est construite ainsi : sur la partie droite, un sentier suit le bord de l'eau, bordé d'arbres et de maisonnettes anciennes dans une ombre propice à la méditation. Puis l'image semble s'animer à force qu'on la regarde : les arbres et arbustes sont secoués par une tempête. À ce moment la partie gauche de l'image prend toute sa dimension : une mer déchaînée se rue vers le sentier ; et d'ailleurs, on ne peut plus distinguer le ciel et l'eau ; cette partie gauche est plus claire et fait un fort contraste avec l'autre. La mer va-t-elle nous emporter ? Où l'illustrateur nous emmène-t-il ?
Ces images sont vivantes. Elles se regardent longuement.
Grâce à cet album, un petit enfant découvre le mystère des images en noir et blanc. Il éduque son œil par la magie des constructions très soignées des paysages. L'atmosphère est propice à un échange avec un autre enfant ou avec un adulte pendant lequel on imagine ce qui se passe dans cette image, ou dans les suivantes. Ainsi son imaginaire se déploie, porté par les sensations étranges et curieuses qui se dégagent de cet album.
Le texte est une traduction d'un poème d'un auteur allemand du XIX° siècle. Il personnifie la "Nuit" et le "Jour". Un adulte peut le comprendre, certes, s'il est sensible à la poésie, mais sûrement pas un enfant.
Cela n'a pas d'importance pour lire ce livre.
C'est LE très beau album publié cette année 2011. Il peut être le premier livre de la bibliothèque de l'enfant et mérite de le suivre toute sa vie.
Il est une initiation à la méditation intérieure à partir de l'image et il n'est jamais trop tôt pour commencer.